VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Douzième semaine

Le village où ils restent est du vrai Millet, des petits paysans, rien que cela, absolument agreste et intime. Ce caractère leur échappe complètement.
Ce qu’il faudrait faire là, c’est pas de causer avec les gens civilisés. (514, 29 juillet)

 

lundi 16 juillet

J'ai été rendre une visite à Fontvieille à Mac Knight et son ami Boch.
Ce village est du vrai Millet, mais j'ai l'impression que ça leur échappe complètement.
Je n'ai pas trop aimé leur peinture qui est plate et molle. Boch m'a l'air plus intéressant. Il a une joli figure que j'aimerais peindre.

 

Mardi 17 juillet

J'ai reçu une lettre de Bernard qui est très déprimé. Je lui ai conseillé de relire la Bible. Le Christ est quand même le plus grand artiste, celui a travaillé dans la matière humaine. Ses paraboles sont les plus poétiques.
Je lui ai expliqué ma conception de l'univers. Comme pour la terre avant, on croit que la vie est plate, qu'il n'y a qu'une ligne qui va de la naissance à la mort, mais elle est ronde, et il y a des chances qu'on revienne la naissance, qu'on ait plusieurs vies ailleurs, dans d'autres étoiles.
La mort serait le véhicule d'une vie à l'autre, d'une étoile à une autre. Il faut simplement espérer qu'elles ne soient pas toutes comme la Terre, aussi ratée qu'elle.
Cette étude de Dieu n'est pas réussi, il l'a peut-être bâclée... Il ne savait plus où il avait la tête et l'a éreinté de plusieurs façons. Il n'y a que les maîtres pour se tromper autant. Attendons la prochaine vie pour voir. J'ai l'espoir qu'elle sera beaucoup mieux, que les artistes auront une meilleure place.
Il m'a aussi envoyé un dessin de Bordel.
Je vais lui proposer un échange avec le dessin du zouave s'il lui plait.

 

 

Mercredi 18 juillet

Theo me dit que Guillaumin est venu à la maison pour voir mes dernières toiles. Cela me fait bien plaisir qu'il s'intéresse à ce que je fais, mais à côté des siennes, mes toiles sont encore trop décousues.
Je suis loin d'être content de tout ce que je fais, mais je sens les progrès dans mon plaisir de peindre et aussi dans les moments de joie et d'exaltation que ça me procure. Je sais alors que je suis dans le juste et que j'ai raison de continuer.

J'ai fait aujourd'hui deux dessins assez réussis au roseau : un dessin du semeur et
le dessin du jardin en hauteur

 

Jeudi 19 juillet

J’ai écrit un mot de Russell. Il me demande de venir le voir à Belle-île. il voudrait refaire mon portrait. Pourtant, le plus beau portrait de moi qu'on ait fait, c'est le sien. Il est un peu sombre mais bien résumé. Seules ma main avec le pinceau et ma tête ébouriffée émergent d'un noir profond. Theo l'aime beaucoup.

 

Vendredi 20 juillet

Je suis fatigué de faire des dessins. Je ne les rate guère. Ces dessins sont les meilleurs que j'ai faits. Ils ont tout à fait l'air japonais. C'est pas comme avec la peinture. Je voudrais pouvoir être aussi à l'aise avec la peinture malgré le prix.

 

Samedi 21 juillet

Mon travail, surtout les dessins, me montre combien je suis influencé par les japonais. En fait, tout mon travail est basé là-dessus.
J'aimerais voir encore beaucoup des crépons japonais de chez Bing.
Cela me nourrit bien de les voir et m'apprend à mieux regarder, à saisir l'étrange simplicité des lignes et la pureté des formes, la simplification des espaces.

Dimanche 22 juillet

Il faudrait vivre plus d'une vie pour peidre comme il faut. Il y a toujours à apprendre ert quand on voit l'étendue du chemin à faire, ça fait peur.


Travail en cours