Jean-Claude Fraicher

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Jean-Claude Fraicher : Portraits de regard

Par un réflexe naturel de notre espèce, notre regard se pose en priorité sur les yeux de celui qui nous fait face ­— probablement pour évaluer le danger. Le photographe intercale un objet (un objectif) entre son regard et celui de l’autre, comme pour éviter cet affrontement direct.
La caméra donne à Jean-Claude Fraicher l’aisance nécessaire pour séduire instantanément et obtenir ce qu’il cherche : une vérité, une franchise d’être, un regard authentique : « Il faut travailler très vite, ne pas ennuyer… Continuer une conversation ».
En face, le sujet (assujetti) est anxieux. Il est « pris », immobilisé dans un cadre. Le photographe démiurge le fige en même temps qu’il lui donne l’immortalité et la possible multiplication de son visage à l’infini.

Pour Jean-Claude Fraicher, le portrait est un reportage. Il s’agit de savoir qui est l’autre, une enquête rapide où il cherche des indices, explore les détails : « J’ai un vrai intérêt pour les gens, pour leur parcours de vie et je tente de comprendre comment il se fait qu’ils se retrouvent aujourd’hui en face de moi ».
Ses portraits sont des « portraits de regards » (des regards caméra) où les yeux du sujet dialoguent avec l’objectif même quand ils s’en détournent. Ainsi, dans cette photo où le personnage (un peintre) est photographié de profil, c’est son autoportrait sur le mur qui nous regarde. Ou pour cet autre peintre dont on ne voit que l’ombre, c’est un élément signifiant de son œuvre — une tête de mort à l’arrière-plan — qui nous scrute… Une mise en abyme faite pour nous surprendre et nous interroger.
Afin de débusquer l’humanité réelle derrière les faux-semblants, le photographe doit aussi condenser l’instant où tout converge : lumière, attitude, regard, comme dans la photo de cette belle Italienne effrontée et narquoise dans les rues du vieux Nice. La lueur diffuse qui éclaire son visage n’a duré que quelques secondes : « … Surtout ne pas manquer ce moment où le ciel vous offre cette lumière miraculeuse ».
Par sa maîtrise des textures, du modelé, de la lumière, Jean-Claude Fraicher obtient des effets optiques puissants et sages à la fois. Son traitement du noir et des visages à la Caravaggio, ses références à Goya pour la composition ou au cinéma Italien pour la vérité sociale, nous racontent l’histoire de son imaginaire et de ses choix.


Jean Claude Fraicher
© jch dusanter

« Quand je suis arrivé à Nice, il y a 15 ans, nous avons décidé de créer le Sept Off qui a coexisté une dizaine d’années avec le In, se déployant dans des lieux qui ne sont pas réservés à la photographie. Aujourd’hui le septembre de la Photo n’existe plus que grâce au Off qui pour sa 13ème édition souligne notre identité méditerranéenne.
Le thème « Passe (ports) méditerranéens » choisi en 2010 a été rattrapé par le printemps arabe qui sera au cœur d’une exposition à Saint Jean d’Angely avec un photographe tunisien Hamid Bouali, F. Fernandez et J-F. Roubaud qui ont couvert l’événement pour Nice-Matin et moi-même, avec un sujet sur les tunisiens de Vintimille ».
Le reportage, Jean-Claude Fraicher s’en est nourri depuis qu’il a contracté le virus de la photo et arpenté le globe.
Né en Afrique du nord, Jean-Claude vient faire ses études de lettres à Nice puis passe sa maitrise aux USA. Dès lors, le périple durera près de 20 ans l’amenant en Nouvelle Calédonie, dans le Pacifique sud, aux Indes, en Chine, en Australie. : « Sur la route de Kerouac » fut le sujet de ma maîtrise mais finalement j’ai fait plus de photos que d’écriture. Cette attirance remonte à mon père. Géomètre à l’IGN, il avait réalisé un album sur les villes méditerranéennes qui exerça une fascination sur l’enfant que j’étais » A Nouméa dans les années 90 Jean-Claude braquera son objectif sur la culture Kanak. « Quant il y a eu l’assaut de la grotte d’Uwea, j’ai été mis à l’écart en tant que blanc. Etre photographe ethnologue c’est aussi savoir que l’on aura toujours le regard de l’étranger ».

Ce regard décalé peut être aussi un champ de liberté. « J’aime trop la lumière naturelle et la vie pour l’enfermer dans un studio. J’ai toujours œuvré comme un reporter, être mobile, faire des rencontres. Pour Jean-Claude Fraicher, le portrait est une enquête rapide où il traque les indices autour de ses sujets pour « tenter de comprendre comment ils se retrouvent aujourd’hui en face de moi… Chez Eliane Radigue, la veuve d’Arman j’ai été fasciné par sa collection de vieux magnétos à bandes ». C’est selon ce processus durant lequel « il est vital de travailler vite, de continuer une conversation » qu’il réalisera quelques portraits/reportages sur les travailleurs du Port de Nice, mais aussi sur les artistes azuréens « Pour les 50 ans du Patriote, j’ai photographié les artistes dans leur atelier. Une expo baptisée Attitude montrée à l’Espace à vendre en 2010 et au Cedac de Cimiez regroupant une trentaine de créateurs d’Ernest Pignon à Ben via Vernassa, Caminiti, ou Mendonça « C’est un personnage étonnant. Je l’ai shooté dans sa combinaison blanche parce qu’il me rappelait ces scientifiques illuminés des séries B américaines » Le cinéma, c’est l’autre passion de J-C. Fraicher qui découvrit l’Italie à travers ses films néo-réalistes, tant et si bien que le photographe avoue utiliser régulièrement la fonction caméra de son appareil « je bouge beaucoup, c’est pour ça que j’aime filmer. On a la chance avec le numérique d’avoir une qualité d’image exceptionnelle. Aujourd’hui cela me fascine plus que la photo qui n’existe plus que par l’approche plasticienne. Il y a un potentiel dans l’image en mouvement comme il y a 20 ans dans l’image fixe » explique cet artiste insaisissable qui semble désormais sortir du cadre de la photo pour rentrer dans le champ du clip et du documentaire.

Jean-Claude Fraicher est un des fondateurs du « Sept Off de la photographie » avec Robert Matthey et Laurent Colonna.


 

Cette année, le Sept Off se tourne vers l’horizon méditerranéen avec pour port d’attache Nice et pour destination le bassin de la mer Méditerranée, ses ports, ses cultures, ses habitants et les préoccupations communes qui les relient. Cette édition est axée sur l’échange, le voyage et la pluri-culturalité méditerranéenne.

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