VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Onzième semaine

Ai fait de grands dessins à la plume, une immense campagne plate, vue à vol d’oiseau du haut d’une colline – des vignes, des champs de blé moissonnés.
Tout cela multiplié à l’infini, détalant comme à la surface de la mer vers l’horizon borné par les monticules de la Crau ; ça n’a pas l’air japonais, et c’est la chose la plus japonaise réellement que j’ai faite ; un personnage microscopique de laboureur, un petit train qui passe dans les blés ; voilà toute la vie qu’il y a là-dedans.
L’ami peintre qui trouve que ce serait embêtant à faire et la marin qui trouve que c’est plus beau que la mer puisque habité.
(Russell, 501a)

j’étais au soleil couchant dans une bruyère pierreuse où croissent des chênes très petits et tordus, dans le fond une ruine sur la colline, et dans le vallon du blé. C’était romantique, à la Monticelli, le soleil versait des rayons très jaunes sur les buissons et le terrain, absolument une pluie d’or. (508, 12 juillet)

Nouveau motif : coin de jardin avec des buissons en boule et un arbre pleureur. (508, 12 juillet)

 

 

Lundi 9 juillet

J'ai passé ma journée à revoir un peu toutes les toiles pour y apporter quelques retouches avant de le envoyer à Theo.

 

 

 

 

 

 

 

 

Mardi 10 juillet

Je fais surtout des dessins à cause de ce diable de Mistral. Même en attachant le chevalet et la toile, il emporte tout. Heureusement pour les dessins, le vent ne me gêne pas.

Les deux dessins de la Crau que je viens de finir n'ont pas l'air japonais, mais c'est pourtant la chose la plus japonaise que j'ai faite.

Je les ai fait à la japonaise avec des petites silhouettes qui montrent qu'il y a de la vie là-dedans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Mercredi 11 juillet

J'étais aujourd'hui sur une bruyère herbeuse avec des chênes tout tordus, dans le fond, la ruine sur la colline.
C'était très romantique - à la Monticelli.
On s'attendrait presque à voir passer des gentilhommes se rendant à la chasse au faucon ou de vieux troubadours provençaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Jeudi 12 juillet

Le vétérinaire avec qui je devais aller hier au Saintes-Maries m'a laissé en plan. Je ne suis pas content parce que j'aurais bien aimé peindre encore des marines et me baigner.

Je voudrais bien maintenant peindre dans les verts. Après le blanc et le rose des vergers, le jaune des champs de blé, le bleu des marines, j'attaquerai bien les jardins.

Je suis déçu de constater qu'il n'y a pas d'amateurs de peinture ici. Peut-être à Marseille ? Mais je ne me sens pas la force d'aller faire des démarches à Marseille.
Ces jours-ci, je lis Balzac, César Birauto.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vendredi 13 juillet

J'ai attaqué au roseau une étude très détaillée du jardin que j’ai devant chez moi. Il possède un petit coin avec un arbre pleureur et des buissons de lauriers complètement délirants.

Je me sens un peu seul ces temps-ci.Il se passe des journées sans que je n'adresse un mot à quelqu'un si ce n'est pour demander un café ou à manger.

Mais la solitude ne me gêne finalement pas tant que ça, étant pris par mon travail.

Le soleil d'ici, c'est quelque chose. Il éclaire les choses à un point que je n'aurais jamais cru. La nature à toute heure de la journée prend des couleurs incroyables. Le ciel dévoile ici toute sa palette. Et je ne pourai faire que ça : peindre.

Quand l’attention est plus intense, ma main devient plus sûre.

 


Samedi 14 juillet

J'ai peint une nouvelle étude du jardin que j'ai fini mais les deux me semblent encore un peu brouillonnes et décousues.
Il faudrait que j’arrive à peindre plus tranquillement.
A ce jour, je dois avoir une trentaine d'études qui iraient. J'en voudrais encore autant pour pouvoir prétendre à une exposition.


Dimanche 15 juillet

Je n'arrive pas à intéresser les gens d'ici. Ils ne s'intéressent pas à la peinture, il y a partout comme déco que des médaillons Julien colorés, des horreurs. Ce n'est pas demain que je vais vendre quelque chose. J’aimerais dépendre moins de Theo. Je n’arrête pas de lui demander de l'argent.


Travail en cours