VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Quinzième semaine

Moisson, jardin, le semeur et deux autres marines sont des croquis d’après des études peintres. Les études peintes manquent de netteté dans la touche. Raison de plus pourquoi j’ai senti le besoin de les dessiner.

J’ai voulu peindre un vieux paysan qui avait énormément de ressemblance avec notre père dans les traits.
Patience Escalier, espèce d’homme à la houe, vieux bouvier camarguais, actuellement jardinier dans un mas de la Crau. (520, 11 aôut 88 5)

Je voudrais faire le portrait d’un ami artiste, qui rêve de grands rêves, qui travaille comme le rossignol chante, parce que c’est ainsi sa nature. Cet homme sera blond. Je voudrais mettre dans le tableau mon appréciation, l’amour que j’ai pour lui.
Je le peindrai tel quel, aussi fidèlement que je pourrai, pour commencer. Mais le tableau n’est pas fini ainsi. Pour finir je vais maintenant être un coloriste arbitraire.
J’exagère le blond de sa chevelure, j’arrive aux tons orangers, aux chromes, au citron pâle.
Derrière la tête, au lieu de peindre le mur banal du mesquin appartement, je peins l’infini, je fais un fond simple du bleu le plus riche, le plus intense, que je puisse confectionner, et cela par cette simple combinaison le tête blonde éclairée sur ce fond bleu riche, obtient une effet mystérieux comme l’étoile dans l’azur profond.

Et bien, grâce à lui, j’ai enfin une première esquisse de ce tableau que depuis longtemps je rêve – le poète. Il me l’a posé. Sa tête fine au regard vert se détache sur un ciel étoilé outremer profond. (520 11 aôut 88 5)

 

Lundi 6 août

Je voudrais arriver à faire une peinture de l’humanité qui resterait et raconterait notre société aux générations suivantes.

Si je me montais davantage le cou, je boirais avec le premier venu et je le peindrai, non à la peinture à l’eau, mais à l’huile, séance tenante à la Daumier. Si je faisais comme ça, il y en aurait des bons dans ne nombre. Et je serais plus français, plus moi, plus buveur. Cela me tente, non pas la boisson, mais la peinture de voyou.

 

 

 

Mardi 7 août

Je viens d'écrire à Bernard qu'il nous fallait dans nos peintures dire le tout de notre époque, comme Zola ou Balzac ou pour les peintres, Delacroix ou Daumier.

 

Mercredi 8 août

J'ai dessiné des marines d’après les études peintes des Saintes qui manquaeint trop de précision.

 


Jeudi 9 août
J'ai reçu une lettre de Gauguin. Il se plaint toujours de manquer d'argent. Son projet de créer une association pour lancer les Impressionnistes et un peu délirant.
Avec les sommes folles dont il parle, ça l'air de foirer. Il s’accroche encore, mais c’est un fata morgana.
Il dit que dès qu'il aura un peu d'argent, il viendra.

 


Vendredi 10 août

J'ai fait encore une peinture du facteur. Il ne veut pas être payé, mais il me coûte plus d'argent en dîner et boissons.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Samedi 11 août


J’ai l'idée de peindre le café où je loge.
De préférence de nuit, avec tous les rôdeurs, les putes et les souteneurs qui sont là.

Je me suis levé de bonne heure tous les jours, j’ai bien dîné et bien soupé, j’ai pu travailler assidûment sans faiblir.

J'ai eu comme modèle un vieux paysan camarguais. Quand je l'ai vu au Café, sa ressemblance avec mon père m'a frappé.
Je lui ai proposé de la peindre comme un vieux paysan. Presque personne n'arrive à rendre les paysans comme il faudrait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dimanche 12 août

J'ai peint mon ami le peintre belge Boch.
Il a posé pour le poète, une toile que j’avais en tête depuis un moment. Son visage fin au regard vert a vraiment beaucoup de classe.J'ai exagéré le blond de ses cheveux, j'arrive aux tons orangers, jaunes de chrome.Après qu’il soit parti, j’ai modifié le fond. J’ai peint une nuit étoilée pour encadrer son visage, cela fait encore plus ressortir le blond de sa chevelure.
Faire un ciel étoilé m'obsédait depuis un moment.J'ai l’idée d'en faire un grand dans le genre de celui de Monticelli.J'ai pensé à un motif avec la belle courbe du Rhône qui souligne le village.

Dans un tableau, je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique.
je voudrais peindre des hommes et des femmes avec quelque chose d’éternel. Un portrait qui rendrait en même temps l’âme unique du modèle. Mais comment rendre ces vibrations avec la couleur ? C’est là le vrai challenge du peintre.
Exprimer l’amour de deux amoureux avec des complémentaires, avec les vibrations mystérieuses de tons rapprochés. Je sens que ça vient.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Travail en cours