VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Vingt-septième semaine

j'ai fait deux toiles de chutes de feuilles. 560

Semeur immense disque citron comme soleil. 558 a
De temps en temps, une toile qui fait tableau, telle le Semeur, je crois mieux que le premier. 560

J ai enfin une arlésienne, fond citron pâle, visage gris, habillement noir, fauteuil de bois orangé.

Lundi 29 octobre
Le portrait, c est la base de tout. Je me débrouille bien plus facilement avec les paysages mais je veux faire du portrait. Rendre l âme humaine avec de la couleur. Les émotions et les sentiments doivent dire plus sur une toile que la froide photographie qui écrase et fixe tout.
A défaut de modèles, j ai fait le portrait d un arbre, ses racines et le tronc, avec des rejetons verts en premier plan, la ville d Arles au fond. Gauguin a repris une négresse & puis un mas très structuré avec des meules et des cyprès, un coin que je lui ai montré.
Lui préfère les surfaces délimités, fermées par des murs. Très Cézannienne.
A côté de mes touches urgentes et nerveuses, son paysage paraît nettement plus calme que les miens.
Si moi j ai Monticelli en tête, Gauguin lui, a plutôt Cézanne.

Mardi 30
On a peint aux Alyscamps. La plaine de la Crau et Montmajour ont plu à Gauguin, mais il a été plus intéressé par les Alyscamps que ces paysages qui me donnent le goût de l infini.
J ai fait un couple d amoureux au pieds des grands cyprès, tout en hauteur. Les arbres sont comme des feux qui montent au ciel. J essaie de faire comme Gauguin, de limiter volontairement ma palette. Juste de l orangé et du bleu.
Gauguin a lui peint un groupe de trois femmes sur une butte très dessiné, maîtrise. Cela semble plus net que les miens où j ai toujours du mal avec les contours . Il est à la recherche d un style.


Mercredi 31 octobre

J ai essayé la toile que Gauguin a apprêtée. J avais hâte de voir ce que cette toile de jute rugueuse allait raconter. J ai refait une vue des Alyscamps, presque la même vue, mais sans les bâtiments.
Je n ai pas pu la travailler avec les mêmes pinceaux. La texture retient la peinture et il est difficile de faire des touches plus courtes. J ai changé pour des pinceaux plus larges et plu souples, ça va mieux. Je ne mets plus d ombres.

Jeudi 1er novembre
Comme il ne fait pas beau et que Gauguin finit les trois grâces, il m a expliqué comment il procède. J essaie de faire comme lui en architecturant plus mes compositions. Il me conseille de supprimer la ligne d horizon et de me concentrer un cadrage plus strict de ce que je veux peindre. Il a marqué sur ma toiles les grandes lignes.
Les troncs d arbres a disparu quadrillent l espace à la japonaise. Les ombres sont absentes et j ai souligné les volumes systématiquement. Ma palette de couleurs est aussi volontairement moins étendue.

Vendredi 2 novembre
J ai continué à travailler à la japonaise. Je refais la toile des chutes de feuilles encore plus cadrée avec les troncs bleus au premier plan. J y ai mis une dame japonaise toute en rouge pour faire varier un peu la palette.
Gauguin parle toujours de la Bretagne, de sa nature solennelle qu il apprécie plus que les sols brûlés d ici et la nature rabougrie de la Provence brûlée. Il est encore trop impressionné encore par les paysages bretons, il ne sent pas la poésie d ici de Daumier, Daudet, Monticelli. Pour ma part, je me sens bien ici et je n en partirai pas de sitôt.

Samedi 3 novembre
Gauguin m impressionne beaucoup avec ses histoires de marin. Je le respecte d autant plus et cela me donne encore plus une absolue confiance en lui.
Quand il parle des Tropiques, son Sil s allume. Il pense que c est là-bas que la peinture va connaître une résurrection. L école des Tropiques, il la verrait à Java.
Moi je suis bien ici, je préfère rester là encore longtemps. Ça ferait une étape pour les artistes entre le Nord et les Tropiques.
Gauguin a tenu à mettre dans sa chambre les deux dernières toiles des Alyscamps dans lesquelles il sent bien l influence qu il a sur moi et semble content de mes résultats.
Madame Ginoux est venu à la maison. Gauguin l a convaincue de venir. Elle a posé pour nous dans l atelier. J ai enfin mon arlésienne. Sabrée en une heure.
Gauguin en a fait un grand dessin.Gauguin râle après ma gestion de l argent. Il me trouve bordélique et a décidé de réorganiser la marche du foyer.
Il a mis l argent dans quatre boîtes : une pour les courses, une pour les frais de peintures, une pour le bordel. On n ira plus manger tous les jours au restau. Je ferai les courses et lui la cuisine.


Dimanche 4 novembre
Gauguin travaille aujourd hui à sa peinture du café où il a reporté le dessin de Madame Ginoux au premier plan. En arrière-plan, il a mis les amis Milliet et Roulin entouré de femmes, un dessin pris au bordel.
J ai fini ma peinture de Madame Ginoux, assez vite faite sur fond jaune.
Je voudrais faire des portraits qui comme celui-là soient simples et compréhensibles par le grand public.i

 

 

Travail en cours