VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Deuxième semaine

 

Lundi 7 mai
Temps splendide aujourd’hui.
Madame Ginoux, la femme du cafetier est très gentille. Elle m’a promis de poser pour moi. Cela me fera un portrait de belle arlésienne. Son mari est un taciturne peu souriant, mais c’est un café de nuit où l’on est bien. Ils ont des chambres au premier. Je vais y coucher en attendant que Theo me donne der quoi acheter un matelas, comme ça, j’économiserais l’hôtel. Il faut que je me renseigne pour savoir le prix d’un lit, mais c’est sûrement très cher.

J’ai acheté 4 mètres de toile, celle de Tasset qui est très absorbante est trop molle, distendue, probablement à cause du plâtre qu’il utilise. J’ai besoin d’une toile plus rude. Si je me renseignais, je pourrais les préparer moi-même pour avoir exactement ce que je veux.

Mardi 8 mai
Sale journée. Les patrons de l’hôtel où je logeais ne m’ont pas laissé récupérer mes affaires. Les derniers temps, ils m’avaient prêté une terrasse. J’avais trop besoin de voir mes toiles étalées. En plus, elle sèchent bien au grand air. Mais ils n’ont pas manqué de me faire payer plus cher sous prétexte que je prenais trop de place…
J’en avais assez aussi de leur nourriture, pas moyen de me procurer des choses simples et digestes comme des pommes de terre bouillies. Toujours du riz ou alors du macaroni mêlés de graisse. C’est pourtant pas difficile de faire cuire des pommes de terre, mais non, il n’avaient jamais la place sur leur cuisinière… A cause de leur cuisine, mon estomac est mal en point.
J’ai failli m’acheter un matelas, mais comme c’est cher, j’ai du aller dormir dans un autre hôtel qui est à vingt mètres de la maison.

Il ne fait pas très beau, aussi j’ai travaillé ici et fait deux natures mortes de fleurs (591) et fruits (384)
Le pot de fleurs a été particulièrement difficile, trop de couleurs, de détails ; il faut que je simplifie plus. Le tableau des fruits est au contraire, trop simple. Il faut que je trouve un équilibre.
Il faut qu'une toile dise une seule chose, mais la dise bieni
Mercredi 9 mai
J’ai dû payer provisoirement la note exagérée, mais j’ai stipulé que je la soumettrais au juge de paix. Ils ne m’ont quand même pas rendu mes affaires. Je suis furieux d’avoir été carotté et je regrette de ne pas avoir pris avant une maison. Au bout du compte, ça m’aurait fait des économies, tout l’argent aurait été à la maison au lieu de payer cher des gens que je déteste. En plus je pourrais faire venir d’autres peintres avec qui on partagera le loyer. Malheureusement, la saison des arbres en fleurs est un peu trop courte. Je regrette presque ma rage de peindre de ce printemps.La campagne de ce printemps dans les vergers en fleurs est assez réussie. Ça me donne envie d’attendre la saison prochaine maintenant que je sais mieux ce que je veux. Je viens de finir d'emballer les toiles pour Paris. Sur les dernières, il y a au moins le verger rose, le verger blanc, celui en rose et vert (le plus grand de tous) sur une toile absorbante et le pont sont parmi les meilleurs. Ils valent au moins 500 F pièce. Il m’en faudrait une cinquantaine de cette qualité.
Jeudi 10 mai
Cette histoire d’hôtel m’a perturbé et découragé dans mon travail. Je ne suis qu'un ouvrier, ils me prennent pour un touriste et veulent m’exploiter. Je suis fatigué et pas en état de me disputer. On verra avec le juge. Je suis content d'être parti et je suis maintenant rassuré d’avoir une maison où vivre sans tracas. Je suis sûr qu'un autre peintre viendra travailler avec moi. Dans la nature d’ici, il y a tout ce qu’il faut pour faire de bons tableaux. Certains que j'ai envoyés, si on attends un peu, je suis sûr qu'ils vaudront au moins 500 f pièce. Je me sens maintenant la possibilité d’en faire une cinquantaine de cette qualité. Ce qui me permettrait de rattraper tout l’argent dépensé. Je dois me concentrer et produire. Il faut faire attention avec les répétitions : des deux dernières études, si le pont est mieux que celui de Teersteg, l’étude pour Mauve était plus réussie parce que plus simple que sa copie.
J’ai aussi peint entièrement ici le petit paysage de la maison avec le cyprès (F407), d’après le dessin. Je peux me débrouiller à faire des petits paysages colorés comme des crépons japonais.

 

 

Vendredi 11 mai
Le juge m’a donné raison, j’ai pu récupérer une partie de la somme qu’ils voulaient me faire payer en plus. Au retour, l’aubergiste Carrell s’est excusé, ce n’est pas un mauvais gars. Le restaurant d’à côté est vraiment très bon et pas cher, en plus il est à dix mètres de la maison. D’un gris Velasquez, petites tables à nappes blanches, grand rideau vert devant la porte, une cour dallée de briques et des vignes et des plantes grimpantes qui courent sur les murs… La vieille patronne et sa courte servantes sont habillées aussi en gris du vrai provençal. La nourriture est excellente, j’ai enfin trouvé où bien manger pour un prix correcte et je n’ai plus mal à l’estomac depuis que je mange là.




Samedi 12 mai
Trop de mistral aujourd’hui, j’ai fait le dessin d’une une prairie avec la ville au fond, un champ jaune et un premier plan d‘iris violets.
J’ai eu du mal à trouver cette composition. Je suis très attiré par ces grandes étendues dont il est très difficile de rendre tous les plans successifs. C’est difficile de simplifier tout en gardant l’esprit du paysage. J’essaie de trouver les lignes de force. J’accentue les traits principaux et me débarrasse de ce qui vient troubler la compréhension. Il faut qu’un dessin dise tout, tout de suite, qu’on perçoive l’âme de cette nature.
Je cherche à saisir dans le dessin ce qui est essentiel – puis les espaces limités par les contours, exprimés ou non, mais sentis, dans tous les cas je les remplis de tons simplifiés également, dans ce sens que tout ce qui sera terrain participera d’un même ton violacé, que tout le ciel aura une tonalité bleue, que les verdures seront ou bien des verts-bleus ou bien des vert-jaunes, exagérant à dessein les qualités jaunes ou bleues dans ce cas.
Si on ne coupe pas la prairie, je voudrais refaire cette étude, car la donnée était bien belle, et j’ai eu du mal à trouver la composition.


Puis une vue d’Arles. La ville est entourée d’immenses prairies toutes fleuries, d’innombrables boutons d’or – une mer jaune – avec une barre d’iris violets et au fond, la ville, quelques saules gris, une bande de ciel bleu.
Si on ne coupe pas la prairie, je voudrais refaire cette étude, car la donnée était bien belle, et j’ai eu du mal à trouver la composition.
B5


Dimanche 13 mai

J’ai fini de peindre le grand paysage avec Arles au fond.
Le dessin était pas mal réussi, c'est une étude intéressante, surtout dans la couleur : des verts différents et du jaune. J'ai reporté le dessin sur la toile, j'ai dû le simplifier encore plus. Le ciel m'a posé des problèmes, il est trop empâté. J'ai arrêté. Demain, je la finis.

La ville est entourée maintenant d’immenses prairies avec des boutons d’or ? Cela fait comme une mer jaune avec une barre d’iris violets et au fond la ville, quelques saules gris, une bande de ciel bleu.

 

Travail en cours