VINCENT VAN GOGH

LE JOURNAL DE LA MAISON JAUNE

site : vangoghaventure.com

 

Troisième semaine

L’autre est le pot de majolique avec des fleurs sauvages.(489 19 mai)

J'ai fait cette semaine deux natures mortes : cafetière… six bleus différents et quatre ou cinq jaune et orangés...

 

Lundi 14 mai
Il y a dans le ciel un sacré bleu. Je n’en avais jamais vu des comme ça. Lumineux, profond et l’air a une transparence qui fait qu’on voit très bien très loin.
Cet après-midi, comme il y avait trop de vent, j'ai dû rester à la maison. J'en ai profité pour ranger l'atelier et refaire la décoration des murs.
J'ai commencé une étude d'une ferme au bord de la grande route avec des arbres au premier plan.

Mardi 15 mai
Je suis content d’être parti de chez les Carrell, maintenant, je mange mieux, mon estomac ne me fait plus souffrir et ma santé s’est nettement améliorée.
Je continue à dormir au café de la Gare. Je regrette de n’avoir pas pris cet atelier plus tôt, avec ce que j’ai dépensé en hôtellerie, j’aurais pu le meubler.

 

Mercredi 16 mai
J'ai en route une toile qui se présente bien. Une vue de la Crau prise de Montmajour. Je ne me lasse pas d‘y aller.
La vue qu'on a de là est impressionnante. Le pays est plat comme la Hollande mais avec plus de soleil et une couleur plus intense. Le ciel est d'une telle limpidité qu'on peut voir très loin les détails des monticules de la Crau. Ils appellent comme cela - c'est un joli mot - les petites collines qui ferment le paysage au Nord. Cela fait des dizaines de fois que j'y vais. Mon copain Mouries m'y accompagne parfois. Quand je lui ai dit que ce paysage me faisait penser à la mer, il m'a dit qu'il le préférait à la mer, car ici, en plus, c'est habité...
J'ai fait un dessin de la vue qu'on a du sommet de la colline

 

Jeudi 17 mai

J'ai peint aujourd'hui mon pot de majolique avec des fleurs sauvages. Un bouquet éclatant et serein.

Theo est encore malade. Sa lettre dit qu’il souffre d’une grande lassitude ; il pense que ça vient peut-être de l’iodure de sodium que lui fait prendre son médecin. Il m’inquiète et Rivet, son médecin, ne le prend pas au sérieux. Il aurait besoin d’air pur et de campagne. L’air de la ville est trop vicié pour sa faible constitution. Il se fait aussi trop de soucis avec ses patrons qui veulent maintenant l’envoyer souvent en déplacement à l’étranger.
Sa maladie de cœur vient de sa dépression ? On se sent cheval de fiacre alors qu’on préférerait être sauvage libre dans la prairie en compagnie d’autres chevaux et, bien sûr, de juments. Nos maladies viennent de notre aliénation. Comme les chevaux de fiacre, on est triste et abattu, accablé par notre sort et toute l’énergie perdue se transforme en mauvais sang. Même si on ne se révolte pas, on n’est pas résigné non plus, c’est le corps qui souffre. Heureusement, notre croyance en l’art, à la poésie, nous sauve.

Vendredi 18 mai

Il serait temps que les Impressionnistes prennent et que leurs tableaux se vendent enfin à un bon prix. Il pourrait alors s’installer à son compte et envoyer ses employeurs au diable. Il lui manque un peu de compagnie, d’amitié, il faudrait qu’il fréquente des français qui sont un peu plus vivants que les Hollandais.

Samedi 19

J’ai peint aujourd’hui avec beaucoup de calme et de douceur une nouvelle nature morte. La plus simple que j’ai faite, une nature morte avec des cafetières, des tasses et des assiettes. Elle est bleue et jaune et respire la santé. Le couleurs sont très bien venues. Elle est pimpante et joyeuse..

Dimanche 20
Je regrette le départ du danois. Il va me manquer. C’est un jeune homme bien, avec de bonnes manières, intelligent, discret et cultivé. Il a vue l’exposition des Impressionnistes rue Lafitte et a lu Zola, Goncourt,etc.
J’avais plaisir à le retrouver le soir pour se promener dans les jardins ou parler avec lui. Nous avons fait ensemble de grandes ballades à Montmajour ; il en a rapporté plusieurs dessins. Il est guère avancé comme peintre, sa peinture est encore trop mince, mais il en est conscient et a la volonté de changer. Il a suffisamment d’argent pour se la couler douce mais il travaille avec sérieux. Il doit retourner un moment dans sa famille après un saut à Paris pour voir le Salon. Je lui ai conseillé de vite revenir ici. On pourrait travailler et habiter ensemble. Je vais lui donner deux petites toiles pour la comtesse de la Boissière. Je demanderai à Theo de lui apporter à Asnières. Cela fera une bonne occasion pour la connaître elle et sa fille.

Travail en cours