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(Dessin de Maurice Maubert
d'après une photo de J-C Dusanter
)

Quittant le monde du livre et du papier, j'ai trouvé dans le net mon moyen idéal pour créer et communiquer
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Chianti transfert

Paradis terrestre ? En tous cas, un d'entre eux, car il en existe beaucoup dans le monde. La Terre est si belle pour nos yeux d'humains. Chaque coucher de soleil est un spectacle grandiose pour qui prend le temps de voir les couleurs s'estomper, se répondre, se diluer dans les roses pâle, les oranges et les rouges.
En Toscane, l'air est serein. Tout invite à la douceur, au calme, à la beauté tranquille, non agressive. Même les couleurs les plus vives, les verts surtout, mais aussi les jaunes d'or et le rouge luisant des coquelicots, s'harmonisent dans une douce sérénité.
Ici, la nature est ordonnée, elle a été humanisée depuis des siècles. La main de l'homme est partout, mais discrète, presque sans y toucher. Elle semble accompagner la nature en la dirigeant gentiment, sans la brusquer, pour en obtenir le meilleur.
Ici, les formes se répondent : les sombres cyprès dressés, pointus, se détachent des touffes rondes d'arbustes aux verts tendres. Les champs de vigne se chevauchent à l'infini, montant à l'assaut de douces collines. Alignements parfaits de ceps, quadrilatères aérés noirs, jaunes, verts. Tout est ici pensé pour être agréable au regard et en même temps être utile à Bacchus. Car c'est avant tout sa terre. On dit que le vin est né ici, avant de voyager dans le monde, de s'imposer comme le nectar des Dieux, le dit vin.
La terre du Chianti est riche et généreuse, les petites routes qui la parcourent nous transportent comme sur un tapis volant. Sur la 222 notamment, on n'est plus en voiture sur de l'asphalte mais dans un long travelling de cinéma, de Cecil B. de Mille ou de Wim Wender. Ça tourne et ça monte, les perspectives changent, mais restent toujours agréables à l'oeil et à l'esprit. On se sent léger, le cœur chantant, comme si l'ivresse était déjà là. La beauté des paysages, de ces pays sages, nous enivre avant d'avoir bu.

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Le vin ici est comme la terre : rouge profond, généreux, savoureux. Il nourrit avant de saouler. Lui aussi est mesuré, sa classe n'appelle pas à l'excès, il est bon pour l'homme. Distingué mais sans ostentation. Le luxe, c'est vulgaire ! semble-t-il nous dire avec raison. Il est la juste mesure, le Pan Metron des Grecs.
Il nous parle d'un monde possible où tout trouve sa place dans une harmonie négociée avec la nature, pas imposée par la vénalité ou le goût du pouvoir. Il n'y a pas de pauvres ici, tous les hommes semblent concourir à la même vision de la beauté et de la douceur de vie. Souriants, accueillants, ils travaillent tranquillement, sérieusement.
Il n'y a pas de bruits ici et les insectes ont tant à faire et tellement à butiner les innombrables fleurs des massifs qu'ils nous laissent tranquilles. Les biches n'ont pas peur, une toute jeune, toute élancée, apparue dans nos phares, a traversé tranquillement la route. Pas inquiète, elle nous a lancé de ses longs cils un gentil regard puis a continué son chemin comme si depuis longtemps, elle se savait en paix avec les hommes.
L'air sent le jasmin, la rose, le romarin. Comme les saveurs, les odeurs sont multiples, mais toujours harmonieuses, justes, sans exagérations. Les soupes sont copieuses et simples, paysannes. La charcuterie est savoureuse, on la sert très fine, presque transparente, le goût en est d'autant sublimé. Les légumes retrouvent le goût de notre enfance. Du pain braisé arrosé d'huile d'olive couvert de petits cubes de tomate fraiche et d'une pointe de basilic est un régal qui dépasse les mets les plus raffinés. Même les œufs ont ici un autre goût.
Ici pas de supermarchés, mais des marchés aux mille senteurs, aux centaines de couleurs. Les étals sont des tableaux, on est dans la Renaissance Italienne, celle de Michel Ange, qui parle du Chianti comme d'un paradis, de Botticelli, de Léonard, de tous ces peintres épris de beauté humaine, de paysages reposants.
Ici, il n'y a pas d'architecture, ou plutôt, un Art-chitecture, à taille humaine, convivial, adapté aux désirs raffinés, philosophiques, poétiques. Quelques tours sont néanmoins là pour manifester qu'il y a de l'Homme, avec sa volonté de s'élever, de braver les Dieux, mais les tours ici sont carrées et cossues. Elles dépassent de peu les maisons dorées en pierres épaisses, faites pour durer, pour se transmettre sans provoquer les paysages. Des "nids d'homme", comme dirait Vincent van Gogh.
Ici, on est pour l'essentiel plongé dans un univers façonné entre le XIVe et le XVIe siècle, celui de l'âge d'or de la peinture. Notre vision de la beauté du monde vient de ce que nous ont transmis les regards de ces peintres.  On les sent encore là à nous chuchoter de prendre le temps d'admirer ce qui s'offre au regard, d'en nourrir notre âme pour contrebalancer les aigreurs de notre condition, nos difficultés d'être, notre civilisation du malaise.
La région du Chianti est une leçon de vie, une éthique. Elle nous aide imperceptiblement mais profondément à retrouver le sens des choses, celui de notre vie.