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(Dessin de Maurice Maubert
d'après une photo de J-C Dusanter
)

Quittant le monde du livre et du papier, j'ai trouvé dans le net mon moyen idéal pour créer et communiquer
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Salonique, Jérusalem des Balkans

L'épître aux Thessaloniciens de Paul de Tarse destinée aux Juifs hellénisés atteste d'une présence juive à Salonique bien avant l'ère chrétienne. En 1170, Benjamin de Tudèle dénombre 500 Juifs à Salonique. Mais ce n'est qu'après l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492 qu'un courant migratoire important se développe. Plusieurs dizaines de milliers de Juifs arrivent à Salonique, alors terre Ottomane accueillante. Ils ont le statut de dhimmis, protégés par le Sultan, bien sûr payant de fortes taxes, mais autorisés à exercer tous les métiers. Les Juifs italiens et portugais les suivront, victimes des mêmes persécutions.
Apportant leurs savoir-faire, leur culture, leur science, la cité de Salonique va connaître un immense développement. Ils agrandissent le port d'où ils exportent leurs produits (laine, tissus, tapis, draps) vers l'Empire Ottoman (ils deviendront le fournisseur officiel des uniformes de janissaires), mais aussi vers Venise, Gênes, et toutes les communautés juives de la méditerranée. Regroupés par communautés linguistiques du pays d'origine, ils se dotent d'institutions, de services sociaux, d'écoles à tel point que l'analphabétisme est éradiqué. Leur développement culturel entraîne aussi la création d'imprimeries qui travaillent dans toutes les langues : allemand, italien, latin, espagnol, allemand et, bien sûr, grec. Elles publient des livres de prière, des livres poétiques, des textes issus du Talmud. Gráce à cela, les grands talmudistes de Salonique vont voir leur pensée et leurs études irriguer toute la Méditerrranée, attirant ainsi de nouvelles vagues de migrations de Juifs arrivant de Pologne, de Hongrie, d'Italie, etc.
Après une période de déclin due aux guerres, aux changements de régime et aux émigrations vers d'autres destinations comme Londres, Venise, Amsterdam, Bordeaux, Salonique va connaître une renaissance à la fin du XIXe siècle. Avec l'industrialisation, vont naître des briqueteries, des usines, des industries alimentaires, de grandes fabriques de drap, etc., et Salonique devient un centre économique important de la Méditerranée.

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La Haskala, le mouvement juif équivalent aux Lumières, promeut l'éducation et l'adaptation à la modernité en créant des écoles, les Talmud Torah. En 1912, avec l'aide des Rotschild, neuf nouvelles écoles en français vont naître, implantant durablement cette langue dans la communauté juive.
En 1916, plus de la moitié des saloniciens étaient juifs, le port ne fonctionnait pas le shabbat et il y avait 34 synagogues et d'autres lieux de culte. La presse juive était florissante : trois quotidiens dont deux en français : L’Indépendant (dirigé par Albert Matarasso, oncle de Jacques) et Le Progrès. Le troisième quotidien est en ladino (un judéo espagnol forgé en Andalousie et qui s'est maintenu cinq siècles et qui est encore aujourd'hui parlé et chanté).

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La prise de contrôle des Grecs sur Salonique et l'afflux important d'émigrants les années suivantes va modifier la composition sociale de la ville et la politique à leur égard. Progressivement, des droits leurs seront ôtés et l'incendie catastrophique d'une grande partie de la ville en 1917 va marquer le déclin de la présence juive. Ils ne seront pas autorisés à reconstruire leur quartier et la vague d'antisémitisme que connaît l'Europe entre les deux guerres va faire naître des courants d'émigration vers Israël, les USA, l'Europe, etc.
Les barbaries de la seconde guerre mondiale vont entraîner la mort de milliers de saloniciens en déportation ou sur le front (13 000 Juifs s'étaient engagés dans l'armée grecque). À la défaite, tout le nord de la Grèce est occupé par les Allemands et 54 000 juifs ont été envoyés dans les camps. Leur cimetière millénaire a été détruit, leurs biens confisqués et revendus. Les quelques survivants ont souvent trouvé à leur retour leurs maisons occupées et beaucoup choisirent l'exil en Israël.
Il reste néanmoins aujourd'hui une communauté dynamique d'un millier de membres, une synagogue, une école, des services sociaux, etc., et un « Musée de la présence juive » très intéressant.
La promenade dans ce qu'il reste du quartier juif est émouvante, et on imagine bien dans ces ruelles - après avoir vu les photos du musée - le fourmillement d'activités : petites fabriques, maisons à deux étages, échoppes, et bien sûr les milliers d'hommes, de femmes, d'enfants vivant là.

Nombre de villes européennes ont connu une histoire similaire : Venise, Amsterdam, Londres, etc., où les Juifs, qui ont eu une part importante dans le développement de ces cités, ont dû les quitter brutalement et douloureusement après plusieurs siècles de présence.
Le peuple Juif semble marqué sous le sceau de l'exode depuis ses origines : exode d'Abraham, de Moïse, d'Andalousie, puis celui de la dernière guerre mondiale... L'exode le plus récent a concerné les centaines de milliers de juifs du Maroc et d'Afrique du Nord autour des années 50-60.
Malgré la création d'Israël qui a réuni quelques cinq millions de Juifs, le peuple du livre continue sa route sur les chemins du monde. Aujourd'hui encore, une dizaine de millions de Juifs contribuent au développement de cités comme New York, Montréal, Paris, etc., qui comptent toujours d'importantes communautés juives.
Le Statut des Juifs n'a cessé de varier en fonction des modes de gouvernement ou des gouvernants. De l'autorisation d'exercer tous les métiers et d'habiter où ils voulaient aux interdictions, pogroms, expulsions, ils ont connu toutes les fortunes. S'adapter, développer sa culture et ses activités, puis fuir a été leur lot depuis plusieurs millénaires.
On peut se demander pourquoi un peuple travailleur, entreprenant et capable d'adaptation a été persécuté tout au long de son histoire ? Une partie de la réponse est sans doute dans la terrible nécessité des sociétés humaines de trouver un bouc émissaire face aux crises économiques, sociales, religieuses ou politiques qu'elles traversent.
L'histoire n'est clémente pour personne et le pire est toujours possible. A chaque siècle sa barbarie : le XVe, celle des rois catholiques, le XVIe, le XVIIe, celle du massacre des Indiens d'Amérique, le XVIIIe et le XIXe, celle des colonies et de l'esclavage, le XXe, celle des totalitarismes...
Si la première moitié du XXe siècle a connu dans les deux guerres mondiales la pire des barbaries, la deuxième moitié a laissé entrevoir un avenir de progrès scientifique et de libération des peuples. Le XXIe siècle, en dépit de guerres locales et de tensions dangereuses semble démarrer de façon plus apaisé. A moins qu'il nous cache une nouvelle barbarie à venir ? Laquelle ?


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