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Mon grand-père en Amazonie
Interview sur Rafio Judaica Lyon par Catherine Elmalek
 

 


GOING BACK TO RABAT

 

D’où je viens ?
A soixante ans révolus, j’ai eu besoin de revisiter mon enfance. A défaut de replonger dans des souvenirs, forcément reconstruits et trop épars, je suis retourné sur les lieux, comme si une topographie ou une architecture pouvaient dire quelque chose qui m’éclairerait sur l'homme que je suis devenu. Les lieux, au moins, ne parlent pas, donc ne mentent pas.
J’ai donc revu tous les coins où l’enfant que j’étais a grandi.
Quand s’arrête l’enfance ? (s’arrête-t-elle ?). Pour moi, c’est un bloc compact, elle se clôt à 17 ans quand j’ai quitté Rabat pour Nice.
Et quarante ans plus tard, je reviens au point de départ à l'écoute de mes émotions et de mes réflexions.
Revisiter sa ville natale et au-delà rechercher ses origines, c'est d'abord voir des tombes. Le cimetière de ma famille est maintenant dans la ville (quartier de l'Océan). Je m'y suis rendu accompagné d'une parente (merci Sylvia) pour me recueuillir sur les tombes de mes grands-parents. Puis j'y suis retourné quelques jours plus tard pour vérifier certaines informations, essayer d'en découvrir d'autres et prendre beaucoup de photos. (voir REGISTRE CIMETIÈRE).
Deux tombes m'intéressaient particulièrement : celles de mes grands-pères que je n'ai pas connus et qui pourtant ont eu une importance décisive dans ma vie...
D’abord, configuration de ma mise au monde.
Mon grand père paternel, David, grand voyageur, chercheur de fortune, a parcouru toute l’Amazonie de Belem à Iquitos (entre 1904 et 1929), extrême bout de l’Amazone, où une photo le montre dans son Baratillo, le magasin qui porte fièrement son nom.


Photo du Baratillo, 1912

Puis retour à Rabat auprès de sa femme et son fils. Il a été absent une vingtaine d’années (voir dossier Iquitos).
Le peu de choses que je savais de sa vie extraordinaire m'a toujours fait rêver. Après avoir traversé l'Amazone de bout en bout, commercé avec les Indiens, et bâti un magasin comme j'en voyais dans les films de cow-boys, un drugstore où s'entassent des vêtements, des valises, des couvertures, etc., il était revenu tel Ulysse, retrouver sa femme, son flis et sa famille qui ne l'avaient plus vu depuis très longtemps (comment se sont passées les retrouvailles ?).
J'ai commencé à faire des recherches sur lui. Pour l'instant, je n'ai que deux documents (cette photo et une carte d'identité brésilienne avec une adresse à Manaus). J'ai dans mes projets de voyage une visite à Iquitos.

 


Tombe de mon grand-père paternel
David S. Amiel



Selon la tradition familiale, chaque enfant doit porter le prénom d'un ascendant disparu. Mon grand-père est mort le 4 mars 1948 (à l’âge de 67 ans). Mes parents m’ont donc mis en route l’année qui a suivi sa mort, vers début février (ils ont mis du temps à se décider ? à essayer ? ou moi à accepter de venir au monde ?).
Je suis né le 10 octobre 1949, mais l’embryon que j’étais a dû souffrir car pendant que ma mère m’attendait, elle a assisté à l’agonie et à la mort de son père (dont elle devait être particulièrement proche - elle a été sa secrétaire dans l’agence immobilière qu’il avait créée).
De plus, son dernier enfant était mort-né (une petite fille qu’elle a dû garder jusqu’à terme alors qu’elle savait par son médecin que le cœur de l’enfant ne battait plus (ça se faisait, paraît-il). Donc anxiété à ma naissance... Pas terrible, mon arrivée au monde. Mais bon.
A ce jour, je n'ai pas la date exacte de la mort de mon grand-père maternel, juste l'année, celle de ma naissance. Pourtant savoir s'il est mort quelques jours ou quelques semaines précédant ma venue au monde me renseignerait sur l'état de tristesse de ma mère.

Enfant calme, plutôt timide, j’étais très proche de ma grand-mère Mama Nouna (la femme de l’explorateur), qui vivait avec nous. Mes parents étaient très occupés, mes frères et ma soeur trop grands - je suis né dix ans après le dernier, Jacky). J'ai donc passé mes premières années avec ma grand-mère, une « sainte femme » très douce et arrangeante qui n’aimait pas les tensions et arrondissait tous les angles (j’en ai gardé le trait).
Mon autre grand-mère, Zamila, femme énergique, coléreuse parfois, était crainte par toute la famille, une mater familias dont j'aimais l'humour et son côté "architecte" (elle adorait changer le plan de sa maison, les murs étaient constamment déplacés). On dit que c'est d'elle que vient le goût de mon cousin Michel pour l'architecture.

Le ville était de Rabat est bordée par le Bou-Regreg, un fleuve que j'ai souvent traversé à la nage.


Tombe de ma grand-mère maternelle
Zamila Attias, née Attias
.
Tombe de ma grand mère paternelle
Rena Amiel, née Benoualid

De l’autre côté, c’est Salé, un port important de Corsaires où à partir de 1492, mes ascendants ont accosté, fuyant la barbarie d’Isabelle la Catholique qui les avait chassé d’Espagne. Curieuse année que celle où Christophe Colomb a entrepris son premier voyage et où Grenade est tombée, marquant la fin de la Reconquista. L’Espagne était unifiée pour la première fois avec le Castillan imposé à tous. Et les juifs et les musulmans, dehors. Toute les richesses en sciences, en littérature et en arts  (les Juifs y avaient contribué fortement) de la mythique Al Andalous, ont été niées, refoulées. De la vie en harmonie (pas tout le temps) des trois communautés religieuses est née une civilisation raffinée et tolérante.
Mes aïeuls (et moi-même) ont-ils hérité un peu de cette culture ? On avait pas mal de mots d’origine espagnole dans notre vocabulaire et notre musique est dite "andalouse". Mes deux grands-mères parlaient un arabe marocain customisé avec de l’hébreu et de l’espagnol, mes grand-pères, je suppose aussi, quant à mes arrières grands-parents, et au-delà, je ne sais rien d'eux.
C’est à l’âge de mes parents que le français s’est imposé avec l’instauration du Protectorat de la France (1912) et les écoles de l’Alliance. Quand les Français sont arrivés, les Juifs vivaient très pauvrement (presque tous) dans le Mellah derrière les remparts.


Entrée du Mellah

Murailles

Un essor économique a lieu (à partir de 1925), des villes se développent (l’architecture si sympa des années 30), des jardins, des commerces. Des écoles sont créees, les Juifs vont s’instruire. On sort du Mellah, on habite les nouveaux centres, on entreprend. Mon grand-père paternel est dans l’immobilier, ça marche, il achète des terrains, une maison. L’autre grand-père, revenu du Brésil sans y avoir fait fortune, s’est installé tailleur dans le Mellah, mais il habite avec sa femme et son fils (puis avec sa belle-fille, puis nous) dans une nouvel appartement en ville. C'est dans cette maison que j'ai passé mes dix premières années. Un immeuble génial, rempli d’enfants. Les familles juives (les Cohen, les Amzallag, les Bohbot), et non juives (les Rato, les Michel) avaient une nombreuse progéniture.
J'ai voulu le revoir, mais je n’ai pu photographier que sa façade, Le petit immeuble est maintenant fermé et voué à la démolition. Pourtant, j’aurais adoré revoir notre appartement et les terrasses et surtout sa cour centrale, notre terrain de jeu favori. Je m’y revois à tous les âges : tout petit jouant au ballon, puis aux cow-boys et aux Indiens (je m'identifiais plutôt aux Indiens, j’ai même eu une coiffe de plumes  multicolores et un arc avec des flèches) et plus tard, entre huit et dix ans, jouant au hand-ball, mon sport favori avec la natation.


Le 32, rue Capitaine Petitjean

 

 

Presque au bout de cette rue, j’ai redécouvert le four où nous allions le samedi midi (comme tous les familles juives) récupérer la dafina déposée le vendredi après-midi.

Ce quartier de mon enfance - mon univers - comprenait les rues alentours, celle où habitait ma tante Margot en face duquel était le glacier La Ibense où j’adorais déguster les aqualimons (un goût que je recherche toujours).
Avec sa grande cour à ciel ouvert à l’entrée, la maison de ma tante était belle et joliment meublée (son mari avait eu un magasin d’ameublement) : un lit à baldaquin et estrade, un salon immense avec bar et piano (une de mes cousines en jouait), grands canapés, fauteuils aux tons havane. Un lieu de fêtes avec whisky et papotages, disques d’Aznavour sur la platine, rires, une rumeur ambiante que j’aimais. J'avais beaucoup d'oncles et de tantes (les Attias, Azogué, Bénaïm, Lasry), de cousines, de cousins (une vingtaine) et nos parents se recevaient souvent... Mon enfance a été grégaire (encore un marqueur, je n’ai jamais été un solitaire). Il me reste ce plaisir de la compagnie, des réunions familiales (plutôt amicales maintenant) joyeuses, des retrouvailles enjouées.


L'entrée de la maison de ma Tante Margot

Le glacier La Ibense (il ne font plus d'aqualimon)

Juste un peu plus loin, Talmud Torah où j'apprenais tous les étés l'hébreu. Il n'y a plus d'enfants, juste quelques Juifs du troisième âge.


La Synagogue de Talmud Torah n'a pas changé, c'est la dernière de Rabat.

Avec mes premiers amis et voisins Elie, Maurice et Michel Cohen, nous allions à la plage de Salé où ils avaient un grand cabanon en bois sur pilotis (le sable en-dessous était frais). Puis, avec mon cousin Marco, qui avait deux ans de plus que moi, on allait tous les jours en été à la piscine du CNR (elle n’existe plus). C’est lui qui l’a appris à nager. J’ai depuis toujours aimé les piscines et l’ambiance sonore qui y régnait (Nanni Moretti en a fait un film). J’aimais plus plonger que nager. Sensation un peu violente de pénétration, de remous et de glissement souple, la courbe parfaite.


La piscine était juste là où passent les voitures

Mon frère aîné travaillait dans la grande librairie de Rabat Les Belles Images.
Elle existe toujours, même si elle a un peu retréci (les souvenirs voient toujours les espaces plus grands). Enfant, je l’ai beaucoup fréquentée.

Au sous-sol, derrière le rayon livres d’enfants (il était derrière les piliers) s’ouvrait une galerie de tableaux. Je voyais passer les amateurs de peinture (souvent des couples), s’arrêter devant des toiles, chuchoter puis repasser devant moi après avoir fait le tour.
Des livres et des tableaux, l’essentiel de ce qui m’occupe toujours...

A côté, le cinéma Colisée dirigé par un ami de mon frère, j’y rentrais gratuitement voir des films comme la Nuit Américaine, et les premiers Fellini... Il est maintenant fermé (définitivement ?)

Avec l'aide de mon frère aîné, ma mère a ouvert sa propre librairie qui a débuté dans un garage avec quelques étagères. Puis rapidement une vitrine, une enseigne « Bibliothèque du Chella » (on était dans le quartier du Chella, une forteresse mérinide bâtie sur une ancienne cité romaine). Au garage qu'elle avait bien aménagé, ma mère avait rajouté une soupente puis loué le studio juste derrière (ça s’agrandissait).


Comme sur la porte à côté, les premiers temps, on devait tirer le rideau le soir.
Je me revois, aidant ma mère à le refermer.

J’y ai passé beaucoup de temps. Très jeune, j’aidais efficacement mes parents pour la rentrée des classes où une foule d’élèves accompagnés de leurs parents, se pressait à notre porte pour acheter les livres scolaires de l’année à venir (et nous vendant ceux de l’année précédente).

Quand mes parents ont quitté Rabat, ma belle-soeur Renée a repris la librairie, (quelques années plus tard, ils sont venus à Nice à leur tour). Mais cette librairie existe toujours. Elle a gardé les mêmes étagères, la vitrine, la caisse. Rien n’a bougé.


Vue de la soupente

La caisse de ma mère est encore là.

Abdallah a repris la librairie ; c'est un vrai professionnel, compétent et sympathique. Avant de quitter Rabat, je lui ai apporté un de mes livres sur Van Gogh.
Dans la librairie créée par mes parents, il y a maintenant un livre qui porte mon nom.
Après avoir vendu, puis édité des livres, j’en écrivais. Une boucle était bouclée.

A côté de la librairie, le magasin Alcov’Voiles de ma tante Margot. J'étais très ami avec mon cousin Bernard (je le suis toujours).

J'avais dix ans lorsque nous avons déménagé dans le centre. Un grand appartement avec trois grande pièces contiguës : un salon arabe avec des tentures rouges et blanches aux mur, un grand tapis au sol et des banquettes (couvertes de velours rouge et blanc aussi), un salon français avec une banquette et des fauteuils "crapauds", puis la salle à manger avec le gros poste de radio où j'écoutais les émissions enfantines de Radio Maroc (avant d'y participer).


L'entrée de l'immeuble et les escaliers


Porte d'entrée de l'appart (ma chambre était juste derrière le mur de gauche).

Tout près de chez nous, l'immeuble Mondoloni où mon frère habitait avec sa femme Renée, et ses enfants Michelle et Yvon. Mon oncle André y habitait aussi avec sa femme Renée, mes cousines Esther, Ruth et mon cousin Marco.


L'entrée de l'immeuble Mondoloni (en sous sol, La Cage, une des premières boîtes de nuit
avec L’Entonnoir qui était sous le Jour et Nuit

Le Jour et Nuit. Nous y allions souvent.

L'Entonnoir. Ce règlement date de 1964. Il est toujours là.

J’ai fait mes études secondaires au lycée Descartes.

J’y ai rencontré de nouveaux amis (les Cohen étaient partis) qui ont eu une grande influence sur l’adolescent et l’adulte à venir. Les frères Ebguy, Charlie, mon ami, sa sœur (devenue Sapho), avec lesquels je faisais du théâtre. On jouait des petits sketches dans une émission de radio pour enfants animée par Léon Noël. On a même joué à la télé nationale.


Maison de la famille Ebguy (au premier étage).

Puis ma dernière bande d'amis : Dominique (le plus poète, devenu grand reporter), Carlos (fait des films en Argentine), Jean-Claude (devenu professeur de Chinois à Bordeaux), Vojko (Yougoslave), Bob (Ivoirien), Luis-José (Vénézuélien)... Ces trois derniers, je ne sais pas ce qu’ils sont devenus.
Ces amis d'adolescence m’ont appris le rêve, la poésie, l’imagination, l’intérêt pour la différence et même le socialisme…
Quand je les ai quittés pour rejoindre mes parents installés à Nice, Dominique m’avait donné un cendrier (piston) que j’ai toujours baladé dans toutes mes piaules. C'est grâce à Dominique d'ailleurs, que je suis revenu à Rabat.

J'ai déambulé, repassant aux mêmes endroits plusieurs fois (toujours quelque chose à vérifier), admirant les façades, les nouveaux immeubles. Le centre-ville est resté le même, juste un peu dégradé, mais la cité s'est agrandie, de nouveaux quartiers ont poussé.
C'était le 14 juillet, grâce à Dominique, nous avons été invités au cocktail de l'Ambassade de France. Une belle ambassade toute neuve avec de beaux jardins. J'étais parti de Rabat jeune marocain, je revenais Français au milieu des Français de Rabat (je n'en connaissais aucun, pas plus que des marocains). La nuit était étoilée, champagne et toasts délicieux. Je ne savais plus bien qui j'étais mais je m'en fichais...


Les jours suivants, au fil de mes trajets dans ma ville natale, je retrouve des lieux oubliés...


Le cinéma Royal qui m'a forgé une imagination largement influencée par les westerns et les peplums.
Le Jardin du Triangle de vue (des milliers de fois traversé).

La gare

La poste

La grande église de Rabat


Le grand hôtel Balima. Beaucoup de fêtes familiales ( surtout des mariages) s'y déroulaient.

Les Oudaïas, la première forteresse de Rabat qui défendait l'entrée du Bou Regreg. Etape obligée : on y a pris un thé et des gâteaux... Les petites rues en bleu et blanc sont toujours charmantes.

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Promenade dans les ruines du Chella : ruines romaines, nécropole mérinide, cigognes...

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Pour finir, grande ballade et nuit sur le superbe site romain de Volubilis.

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